IVG, quand le monde s'écroule.


L'attente.
11 jours. Puis après ça, encore trois semaines.
Ensuite l'oubli. La légèreté.
Mais en attendant, l'attente.



La violence.


L'Indésirable. Le truc-en-trop, la Chose, Lui, l'Abomination, l'Horreur, le Monstre, cet enfant dont je ne veux pas, l'Indésirable.
Ce besoin de violence dans les mots.
De faire comprendre aux autres le rejet, le dégoût, la hantise.

Aucune sympathie, pas de pitié. Je n'ai jamais souhaité sa présence. Il est en moi comme un intrus, il s'accroche contre ma volonté.
Animé de sa propre volonté ? Cette idée me révulse, me répugne. 

Non c'est une erreur. Une grossière erreur. 
Contact indésirable, clic, supprimé.
Mais non. L'Indésirable s'accroche. Et j'aurais envie de lui hurler toute ma haine au visage.



L'injustice.


Pourquoi moi ? Pourquoi, pourquoi, pourquoi ?



Les nausées.


Ne plus pouvoir manger. Crever la dalle. Les odeurs, les goûts, et toujours l’écœurement. Se concentrer sur sa respiration. Les crampes d'estomac. Le monde qui s'écroule. Le corps qui rejette. La faiblesse. Le ventre noué. La prise de poids, légère, mais belle et bien là.

La distorsion du temps.

Comme les journées sont longues. Les minutes sont des heures. La vie entre parenthèse. Rien n'a vraiment d'importance. Tout en a.

Le choc.

7 semaines et demie. 7 semaines et demie. 
Presque deux mois. Rapide calcul. Effrayant résultat. Déni de grossesse durant un mois ? Erreur du corps ? Comment appelle-t-on ça ?
Et pourtant, le souvenir du sang qui te coule entre les jambes, comme d'habitude. Ce n'était pas un rêve.
Et dire qu'à ce moment là, le Cauchemar était déjà installé en toi. 

L'annonce est traumatisante.
Et d'un coup, le souvenir. 



Le premier choc.


Souvenir du fatal matin. Des nausées, depuis une semaine. Du soupçon du médecin, à demi-mots. Cette chose impensable. Le test de grossesse. Le stress. La couleur qui monte, le premier trait rose qui s'affiche. Le souffle court. La couleur qui monte. Et le deuxième trait.
Enceinte. Enceinte. Enceinte. Les jambes qui cèdent, la panique. Le laboratoire. La panique dans la voix. La prise de sang. Résultats attendus le soir. Le soir ? Si tard ? L'attente, déjà. Les allers-retours chez le médecin. Les explications. Les mots lâchés, dans la gêne. Avortement. Enceinte. Choix. IVG. Une ribambelle de termes connus, mais si lointains, avant. Tout prends sens. Tout s'impose.

__________________________


Début 2016, j'apprenais ce qui à changé ma vie. 
Je suis tombée enceinte, alors que j'avais un stérilet bien en place depuis des mois. 
Les mots qui précèdent, je les ais écrits durant ma "convalescence" . Durant ces longs jours passés à attendre mon Intervention Volontaire de Grossesse. 
Ils sont violents, à l'image de ce que j'ai vécu. 
Au delà de la douleur qu'une grossesse non désirée crée en nous, il y à la douleur provoquée par les mots, les regards, par l'incompréhension des autres
Et c'est là que je hurle contre le corps médical. 
Contre les gynécologues, et les médecins, qui ne vous croient pas, quand vous leurs soutenez que vous avez pourtant eu vos règles. Contre ceux qui haussent les sourcils quand vous leurs dites que vous avez un stérilet depuis plus de 6 mois. Devant le jugement dans leurs yeux, car vous n'avez même pas 20 ans. 
Contre les salles d'attentes, en maternité. Cette humiliation, d'être entourée de femmes heureuses, caressants leurs ventres ronds, ou portant leurs nouveaux-nés tout contre elles.
Et cette honte, de subir le regard de celles qui désespèrent de pouvoir un jour porter la vie, quand vous venez pour l'interrompre. 
C'est là que je m'indigne. 
Qui sommes nous, à vos yeux, nous qui n'avons pas décidé d'être mères ? Un ramassis de menteuses ? De filles faciles ?  C'est réellement l'image qu'on nous renvoie en pleine face. 
Si j'ai eu la chance de tomber sur un médecin très correct, ce n'était pas le cas du personnel de l'hôpital qui m'a pris en charge. 
(Fort heureusement, il existe des gens bien partout, j'en ai conscience, je ne suis juste pas tombée sur les bonnes personnes.)
Cet article est un peu décousus, je m'excuse. Il n'est pas évident de parler de ça, même deux ans plus tard. Mais je voulais en parler. Pour me libérer, et surtout, pour libérer toutes celles qui n'osent pas en parler. 
L'avortement n'est pas un geste anodin. 
Physiquement, ça bouscule, ça change tout dans notre corps, il faut du temps pour s'en remettre. Mentalement, c'est tout aussi compliqué. Après l'avortement, les médecins pensent que c'est terminé. Mais rien n'est fini. 
Nous réagissons tous différemment face à ce genre d’événement . 
Pour moi, il à fallu du temps. Pour retrouver mon corps d'avant. Pour accepter de nouveau mon reflet dans le miroir. Pour oser re-faire l'amour, sans être hantée par la peur de re-tomber enceinte. Pour ne plus avoir la gorge nouée en voyant des jeunes femmes de mon âge avec un bébé dans les bras. Pour faire accepter de faire partie du risque "1% de femmes sous stérilet peuvent tomber enceinte". Pour digérer d'avoir tiré le mauvais numéro de loterie.
L'avortement ne doit pas être une honte. 
Si vous l'avez vécu, ou avez peur de le vivre, si vous voulez en parler...
N'hésitez pas.


Photos du talentueux Freddie : https://www.facebook.com/FreddieBarberaPhotographie/  ! 

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